Est-ce le bon moment pour ajouter de la duration aux portefeuilles ?
Par Jonathan Baltora, Head of Sovereign, Inflation & FX chez AXA IM
Le processus de désinflation a commencé. Après les niveaux records atteints en 2022 aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans la zone euro, l'inflation globale (qui inclut les prix des denrées alimentaires et de l'énergie) se replie à un rythme relativement soutenu. L’inflation dans la zone euro était estimée en mars à 6,9 % sur les 12 derniers mois, contre 10,6 % fin 2022. Cette dynamique réjouissante doit toutefois être relativisée : si l'inflation baisse, c'est en raison de ce que l'on appelle un effet de base. Les prix ne baissent pas, mais le rythme de leur hausse est un peu moins rapide qu'à la même époque il y a un an.
Ce ralentissement « mécanique » peut être perçu comme une bonne nouvelle, mais il est cependant loin d'être suffisant car l'inflation sous-jacente, excluant les prix des denrées alimentaires et de l'énergie et se concentrant sur les biens et les services, est considérée comme un meilleur indicateur de l'inflation domestique et demeure trop élevée. En effet, cet indicateur sous-jacent de l'inflation reste proche de son plus haut point de cycle au Royaume-Uni et n'a pas cessé de s'accélérer dans la zone euro. Il a ralenti aux États-Unis en raison de la baisse des prix des marchandises, l'inflation liée au Covid ayant disparu, mais le prix des services (en particulier hors logement, qui est devenu un indicateur clé pour la Réserve Fédérale) s'établissent à 5,5 %, soit une légère baisse par rapport aux 6,6 % enregistrés en septembre 2022.
Malgré la persistance d'une inflation élevée, les économistes s'attendent à un fort ralentissement de celle-ci au cours de l'année 2023 : le consensus établit que l'inflation américaine devrait atteindre 3 % d’ici la fin de l'été, soit à peine plus que l'objectif de 2 % de la Réserve Fédérale, et que l'inflation en zone euro ne devrait pas atteindre 3 % avant la fin de l’année.
De même, les points morts d'inflation, qui reflètent l'inflation annuelle moyenne intégrée dans le prix des obligations indexées sur l'inflation, montrent que l’inflation américaine devrait atteindre en moyenne 2,4 % par an au cours de la prochaine décennie, soit un peu moins qu’en zone euro (2,6 %).
Le marché obligataire indique un resserrement des conditions monétaires, ce qui pourrait indiquer que le moment est propice pour accroître la duration. En effet, puisque les banques ont tendance à emprunter à court terme pour prêter sur des horizons plus lointains, l’inversion de la courbe des taux est généralement associée à un ralentissement de la croissance du crédit et, par conséquent, constitue un indicateur clé du moment où les taux d'intérêt atteignent leur sommet. Les récentes turbulences dans le secteur bancaire, associées à l'inversion de la courbe des bons du Trésor américain depuis novembre dernier, sont susceptibles de déclencher une pause dans les hausses de taux de la Réserve Fédérale d’ici l'été. Historiquement, une telle pause constitue un signal d’achat de duration.
Bien que nous estimions le moment opportun pour commencer à accroître la duration au sein des portefeuilles, nous craignons également que l’inflation demeure élevée et pensons par conséquent qu'il pourrait être préférable de mettre en place des positions longues par le biais d'obligations indexées sur l'inflation.
Les obligations indexées sur l'inflation étant émises par des États, celles-ci ont tendance à être liquides et bien notées tout en offrant une exposition aux fluctuations des taux. En outre, le resserrement des politiques monétaires au cours des 18 derniers mois a porté leurs rendements, également appelés rendements réels, c'est-à-dire la prime perçue par les investisseurs au-delà de l'inflation future, à leur plus haut niveau depuis 2009-2010, selon les échéances.
Les points morts d’inflation (« inflation breakevens ») sont aujourd’hui peu coûteux, le marché n'accordant qu'une faible prime à l'inflation future par rapport aux objectifs des banques centrales. Les rendements réels se situant désormais en territoire positif et les points morts d'inflation intégrant des perspectives d’inflation modérées, cette situation présente, selon nous, un contexte favorable aux obligations indexées à l’inflation américaines, britanniques et de la zone euro.
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