Qu’attendre de la COP 27 dans un contexte de crise énergétique ?
- La COP 27 en Égypte pourrait susciter des appels à prendre des mesures climatiques plus fortes, plus rapides et plus collaboratives, et renouveler le sentiment d’urgence à limiter le réchauffement climatique à +1,5 °C.
- L’environnement économique pourrait provoquer un recul des efforts visant à favoriser un financement des marchés développés vers les marchés émergents.
- L’accent pourrait être mis davantage sur les efforts d’adaptation, en plus des efforts d’atténuation, compte tenu des progrès difficiles et des avertissements du GIEC.
Olivier Eugène, Head of Climate Research, AXA Investment Managers
La prochaine réunion de la Conférence des Parties (COP) sur le changement climatique aura lieu dans un contexte très difficile, à un moment où les questions de sécurité et de coût de l’énergie se heurtent aux pressions en faveur de la réduction des émissions de carbone. Cela pourrait réduire les résultats potentiels, mais des ajustements intéressants sur la voie menant à la neutralité carbone pourraient émerger.
Les discussions à Charm el-Cheikh en Egypte ne seront pas seulement façonnées par les répercussions de la guerre en Ukraine. Les conséquences de la conclusion controversée de la COP 26 à Glasgow1 demeurent, tout comme les récents phénomènes météorologiques violents et les avertissements sans équivoque observés dans deux rapports publiés par le Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat (GIEC) en 20222 .
D'une manière générale, nous nous attendons à ce qu’il y ait peu de changements à la COP 27 s’agissant des engagements. La coopération internationale semble plus difficile qu’il y a un an. Il est important de noter que la fragilité économique mondiale pourrait entraver les progrès vers des transferts financiers à plus grande échelle des pays riches vers les marchés émergents afin de stimuler l’action climatique dans ces derniers.
Des progrès quant aux objectifs ?
Un élément qui doit être abordé est l’écart, voire même la tension, entre les objectifs de l’Accord de Paris sur le réchauffement climatique de la planète3 la voie actuelle fondée sur les engagements de contributions (CDN) déterminés au niveau national (à +2,5°C ou plus4 ) et la position de +1,5°C uniquement promue par diverses ONG et initiatives telles que la Net Zero Asset Managers Initiative (NZAMI) dont AXA IM est membre. En bref, cela ne peut pas perdurer.
Dans les médias, on entend souvent qu’il faut « maintenir en vie le 1,5°C ». Il s’agit d’un signe que, de manière globale, nous n’en faisons pas assez, et que l’action climatique doit s’accélérer. Cela reflète les avertissements du GIEC soulignant que le temps presse. Par conséquent, les participants à la COP 27 seront appelés à présenter des objectifs de réduction des émissions mis à jour et plus ambitieux et devront les prendre en considération parallèlement à une prise de conscience croissante des défis humains et sociaux, ainsi que des obstacles financiers et technologiques en jeu.
Dans cette dynamique, nous pourrions voir de nouveaux engagements concernant la mise à jour des cibles d’émissions. Certains l’ont déjà fait, notamment l’Australie5 et les Émirats Arabes Unis6 , mais il pourrait y avoir des annonces inattendues (positives ou négatives, comme nous l’avons constaté avec l’Inde à Glasgow). Il pourrait également y avoir des commentaires sur l’écart actuel entre les engagements et les actions. Après tout, les émissions mondiales continuent d’augmenter et la consommation de charbon a atteint des sommets en 2021. Et il y aura des pressions pour établir des objectifs intermédiaires de décarbonation entre la date de 2030 présentée dans les CDN et l’échéance de 2050 pour ceux qui ont pris des engagements de neutralité carbone. Nous en serions satisfaits car cela reflèterait le comportement que nous encourageons dans le cadre de nos initiatives d’engagement avec les entreprises.
De nouveaux enjeux
Comme mentionné en amont, nous pensons que l’insuffisance de transferts financiers des pays développés vers les pays émergents sera un point sensible, d’autant que la COP 27 se tient en Afrique. Lors de la COP 15 de Copenhague en 2009, les pays les plus riches se sont engagés à verser 100 milliards de dollars par an aux pays les plus pauvres d’ici 2020. Cela ne s’est pas produit. Selon les estimations, il y a eu un déficit de près de 20 milliards de dollars en 2020, et des ONG telle qu’Oxfam ont critiqué la forte proportion des prêts au sein de ces montants7 . L’observation des pays émergents de ne pas être à l’origine du problème du changement climatique, alors qu’ils en souffrent le plus, est parfaitement légitime. Si nous nous référons aux récents rapports du GIEC, il est clair que les choses vont empirer sur le plan climatique, et il est probable que les pays pauvres en subiront les plus fortes conséquences.
Compte tenu de l’accroissement des impacts climatiques à venir, nous ne serions pas surpris si l’adaptation aux changements climatiques8 (en plus de l’atténuation et de la prévention, toujours essentielles) devenait un thème plus urgent parmi les délégués de la COP. Il est vital de protéger les populations des effets actuels, par exemple en transformant les villes pour qu’elles restent vivables malgré un climat plus chaud.
Ce qui nous amène à un dernier point. Nous pensons que la COP 27 sera l’occasion d’examiner attentivement les impacts sociaux potentiels. Le but ultime serait de créer une véritable « transition juste » qui tienne pleinement compte des communautés et des individus en première ligne de la crise climatique, et de ceux qui pourraient être touchés négativement dans le monde tandis que nous nous dirigeons vers une nouvelle ère énergétique.
La COP 27 ne pourra pas entièrement échapper au contexte délicat dans lequel elle se déroule, mais comme quasiment toutes les réunions de la COP l’ont prouvé, il subsiste des opportunités à chaque étape charnière pour faire des progrès graduels vers les objectifs climatiques mondiaux.
Il existe aussi un argument selon lequel la guerre en Ukraine et la crise énergétique ne devraient pas n’être qu’une perturbation, mais également une motivation. L’Agence Internationale de l’Energie, dans le très récent « World Energy Outlook 2022 »9 , n’hésite pas à parler d’un point de bascule historique et sans retour en arrière vers un système énergétique plus soutenable, plus juste, et plus sécurisé.
À une époque où la sécurité énergétique et l’énergie à faible coût sont des impératifs politiques, ce n’est un secret pour personne qu’à long terme, ces impératifs pourraient aller de pair avec nos progrès vers les objectifs climatiques mondiaux.
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