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Investment Institute
Vues de marché

Edito Janvier - Les « montagnes russes » macroéconomiques

Points clés
Malgré les incertitudes autour de l’implémentation du programme de D. Trump, nous continuons de penser que les risques de reprise de l’inflation restent importants aux Etats-Unis.
L'Europe est – malheureusement – plus facile à lire, avec des perspectives médiocres pour l'économie réelle, mais cela devrait permettre à la BCE de continuer à baisser ses taux au-delà du « taux neutre ».
Quand les esprits animaux rencontrent l'incertitude politique.
Des opportunités de diversification.
Les revenus s’améliorent.

Quel est le point de départ ? 

Une grande partie du débat macroéconomique se concentre actuellement sur le « taux de transformation » de Donald Trump, c'est-à-dire la proportion de son programme électoral qui parviendra à être mise en œuvre. Compte tenu du niveau d'incertitude – en particulier sur la question des droits de douanes – le marché affiche un niveau élevé de volatilité. Toutefois, les déclarations du 47ème président des Etats-Unis ne sont qu'un élément du labyrinthe dans lequel les investisseurs sont actuellement perdus. En effet, caractériser l'état de l'économie américaine avant toute intervention de la nouvelle administration républicaine est loin d'être simple.

L'économie réelle reste très forte. Si les prévisions de la Réserve fédérale (Fed) d'Atlanta sont correctes, la croissance du PIB était encore bien supérieure à son potentiel à la fin de l'année dernière. Le dernier rapport sur l'emploi de 2024 faisait encore état d'une forte création d'emplois, ainsi que d'une légère réduction du taux de chômage. Ces éléments ont, à juste titre, alimenté la hausse des rendements à long terme au début du mois de janvier. Cependant, une inflation sous-jacente légèrement moins dynamique que prévu en décembre a jeté un peu d'eau froide sur le marché obligataire, stoppant ce qui semblait être une marche inexorable vers les 5% pour le rendement à 10 ans.

L'absence de hausse immédiate des droits de douane dans la première liste de décrets pris par le nouveau président américain Donald Trump, suivie de propos assez « conciliants » à l'égard de la Chine, ont été un soulagement pour le marché. La Fed, qui était de plus en plus considérée comme bloquée, est à nouveau perçue comme étant capable de réduire ses taux directeurs par deux fois en 2025 selon les contrats à terme. L'administration Trump pourrait-elle s'avérer beaucoup plus bénigne que ce que l'on craignait, avec un cocktail de déréglementation et d'énergie bon marché permettant une croissance forte avec une inflation limitée ?

Même si les « montagnes russes » de l'actualité sont décourageantes lorsqu'il s'agit des Etats-Unis, nous vous proposons tout de même notre scénario central. Certes, l'inflation enregistrée en décembre va dans le bon sens, mais nous y voyons plutôt un répit. Même si l'on est généreux avec l'estimation de la croissance potentielle américaine, la pression sur la capacité d'offre reste élevée et les mesures alternatives de l'inflation sous-jacente – par exemple l'indice des prix à la consommation (IPC) de la Fed de Cleveland, qui élimine l'impact des contributeurs les plus extrêmes à la dynamique des prix – suggèrent que la désinflation s'est arrêtée depuis la fin de l'été dernier. En ce qui concerne la politique, nous pensons qu'une mise en œuvre, même modeste, du programme de Donald Trump rendra encore plus difficile la convergence de l'inflation vers l'objectif de la Fed. La politique d'immigration en est un bon exemple. On peut douter de la capacité – voire de la volonté – de l'administration américaine d'expulser efficacement une part importante des immigrés sans papiers qui se trouvent actuellement aux Etats-Unis, mais la série d'arrestations en cours et la confrontation avec la Colombie auront probablement un effet dissuasif sur ceux qui avaient l'intention de franchir la frontière américaine. Une réduction significative du flux de nouveaux arrivants sur le marché du travail américain suffirait à raviver la pression sur les coûts du travail – d'autant plus que la croissance des salaires est restée assez robuste ces derniers temps.

En ce qui concerne les droits de douane, nous ne nous réjouirons pas du fait qu'aucun n'a encore été annoncé. Les droits de douane sont le « couteau suisse » du programme de Donald Trump : ils peuvent être utilisés comme levier pour tout, comme l’illustre la position vis à vis du Canada qui n'aurait pas empêché le Fentanyl de franchir la frontière américaine jusqu'à l'obligation pour l'Europe de continuer à acheter du gaz naturel liquéfié (GNL) américain. La liste des raisons pour lesquelles les droits de douane pourraient être utilisés est si longue que nous sommes convaincus que certains d'entre eux seront appliqués. En outre, les droits de douane sont considérés comme une source de revenus pour le gouvernement fédéral. Étant donné que les partisans républicains d’une politique budgétaire conservatrice ont refusé d'accorder une extension de deux ans du plafond de la dette, les liquidités provenant des droits de douane – qui seront collectées par le nouveau Service des recettes extérieures – pourraient être utiles pour arracher au Congrès le programme présidentiel de réductions d'impôts radicales.

Tout cela nous amène à penser que la Fed sera bientôt « bloquée » – nous prévoyons une dernière réduction de 25 points de base pour cette année en mars – avec des conséquences pour les marchés obligataires et boursiers américains.


L'Europe est (malheureusement) plus facile à lire

Cette incertitude n'existe pas en Europe. Les enquêtes auprès des consommateurs continuent de suggérer que les ménages continueront d'épargner l'essentiel des gains de pouvoir d'achat engendrés par l'écart entre une croissance des salaires encore robuste – essentiellement un effet retardé du choc des prix d'il y a deux ans – et une inflation en contraction. Les enquêtes de conjoncture nous indiquent que l'investissement des entreprises a peu de chances de prospérer, tandis que les intentions d'embauche s'affaiblissent dangereusement. La perspective d'un resserrement budgétaire, en moyenne dans la zone euro, ne va pas aider. À Davos, Ursula Von der Leyen a tenté de répondre à l'offensive de Trump en réaffirmant les valeurs européennes tout en promettant une mise en œuvre plus efficace d'une stratégie de croissance axée sur l'achèvement de l'union des marchés de capitaux, afin de mieux recycler l'épargne européenne dans l'investissement domestique, de simplifier la réglementation européenne et de progresser vers l’indépendance énergétique Pourtant, alors qu'il semble y avoir une prise en considération de l’urgence d’agir à Bruxelles, la situation politique dans plusieurs Etats membres clés reste peu propice à de grandes percées au niveau européen. Les pourparlers de coalition qui auront lieu après les élections allemandes (fin février) pourraient diluer les ambitions, tandis qu'aucune clarification politique ne semble imminente en France.

Comme souvent, la Banque centrale européenne (BCE), qui reste la seule institution européenne à disposer d'une grande marge de manœuvre et d'une capacité de décision relativement rapide, devra servir de « pont » à l'économie européenne. Heureusement, il ne devrait pas être très difficile pour la BCE d'apporter quelques rayons de lumière à l'Europe, en baissant les taux directeurs à chaque réunion dans les mois à venir. À Davos, Christine Lagarde a reconnu que l'Europe était confrontée à une « crise existentielle ». Cela devrait être une raison suffisante pour que la BCE se concentre sur les risques de baisse de la croissance, plutôt que sur les risques résiduels de hausse de l'inflation, dans sa prise de décision. Même si ce n'est pas pour tout de suite, nous continuons de penser – contrairement au marché, qui a revu à la hausse dernièrement sa trajectoire attendue pour la politique monétaire européenne – que la banque centrale placera ses taux en territoire accommodant, atteignant 1,5% d'ici la fin de l'année (le scénario du marché est à 2%).


La politique américaine crée de l'incertitude pour les investisseurs

Les perspectives d'investissement ne sont pas non plus simples. La raison la plus évidente en est la mise en œuvre et l'impact incertains des politiques du président Donald Trump. Les valorisations constituent une autre source d'inquiétude. Les valorisations des actions américaines, en particulier celles des entreprises technologiques, en sont la preuve la plus évidente. Même sur les marchés obligataires, les valorisations suscitent des inquiétudes. Les spreads de crédit, qui représentent la prime de risque supplémentaire que les investisseurs obligataires reçoivent par rapport aux obligations d'Etat sans risque, se situent dans la partie basse de leur fourchette historique. Le scénario de risque est que les marchés – à un moment donné – réagissent mal aux annonces politiques, poussant les primes de risque à la hausse (ce qui signifie des prix d'actions plus bas et des spreads de crédit plus larges), ce qui a des conséquences négatives à la fois pour les consommateurs (par un effet de richesse négatif) et pour les entreprises (par des coûts d'emprunt plus élevés). Ces risques doivent être évalués à l'aune d'une ambition claire en faveur de la croissance et de la création de richesse. Jusqu'à présent, cette ambition a été associée à des manifestations de ce qui est appelé l’esprit animal, parmi les milieux d'affaires américains et à la volonté de ne pas laisser le reste du monde à la traîne dans ce qui est présenté par le président comme le nouvel « âge d'or » de l'Amérique. Plus que jamais, la diversification est essentielle pour les investisseurs.


La diversification est plus que jamais nécessaire

Nous considérons deux niveaux de diversification entre les classes d'actifs. Tout d’abord le bon équilibre entre les obligations et les actions dans un portefeuille – puis l’allocation au sein des classes d'actifs – les actions américaines par rapport au reste du monde et la manière de se positionner sur les marchés obligataires dans un contexte où les taux d'intérêt et les rendements obligataires sont plus élevés que dans le monde d'avant le COVID-19.

En effet, l'augmentation des rendements et des taux d'intérêt est importante à plusieurs niveaux. Nous prévoyons une baisse des taux d'intérêt dans les principales économies au cours de l'année à venir, mais il est peu probable que l'on revienne aux niveaux extrêmement bas qui ont prévalu au cours de la décennie qui a suivi la crise financière mondiale. Les préoccupations inflationnistes et budgétaires soutiendront les taux d'intérêt à long terme et limiteront la marge de manœuvre des banques centrales, en particulier aux Etats-Unis. Nous ne prévoyons des baisses de taux plus agressives de la part de la Fed que si la croissance ralentit de manière substantielle, un risque que nous n'envisageons que pour l'année prochaine. Pour l'instant, les marchés s'attendent à ce que les taux directeurs restent ancrés autour de 4% à moyen terme, ce qui constitue en quelque sorte un plancher pour les rendements obligataires en dollars américains. En Europe, la baisse de l'inflation et de la croissance donne à la BCE une plus grande marge de manœuvre pour réduire les taux directeurs à moins de 2%, mais les marchés ont fixé le taux d'ancrage à moyen terme entre 2,0% et 2,5%.

Aux Etats-Unis, l'évaluation relative des actions et des obligations a évolué en faveur des obligations au cours de l'année écoulée. Une comparaison assez simple – les bénéfices des actions et le rendement des obligations d'Etat sans risque – place les actions à leur niveau le plus élevé en valeur relative depuis le boom des dot.com à la fin des années 1990. En utilisant une méthodologie de type Shiller pour ajuster les bénéfices en fonction du cycle économique et de l'inflation, le marché américain des actions montre actuellement un ratio cours/bénéfice ajusté de près de 30 fois (le même niveau qu'au début de l'année 2000 et au début de l'année 2022, juste avant que la Fed ne commence à relever ses taux). Par rapport aux obligations, les actions américaines sont chères, le rendement du Trésor à 10 ans étant environ à 4,5%.

Il ne s'agit pas d'une garantie de rendement futur d'un portefeuille d'actions américaines. Les mesures de valorisation sont biaisées par les prix élevés d'un petit nombre de sociétés technologiques américaines. Toutefois, lorsque des valorisations relatives similaires ont été observées par le passé, une correction du marché des actions a eu tendance à s'ensuivre. Etant donné que le secteur technologique est soumis à un risque de concurrence, les obligations sont désormais en mesure de fournir une couverture plus significative contre un recul des actions provoqué par des ajustements des valorisations technologiques. Les mouvements des prix des obligations et des actions ne sont pas toujours négativement corrélés, mais en période de tensions sur les actions, ils sont susceptibles de l'être, et une allocation significative en titres à revenu fixe peut contribuer à fournir de meilleurs rendements ajustés au risque, en particulier si nous observons une plus grande volatilité sur les marchés d'actions.


Des revenus encaissés plus importants

Aujourd'hui, les obligations ont par ailleurs le potentiel d'offrir plus de revenus. Les coupons moyens ont augmenté et continueront dans cette voie à mesure que les obligations à faible coupon, émises pendant la période d'assouplissement quantitatif, arriveront à échéance. Les rendements des indices obligataires ont augmenté au cours de l'année dernière. En 2024, les rendements des liquidités dépassaient encore les revenus des obligations d'Etat et des obligations de qualité, mais la prédominance des liquidités s'estompe à mesure que les taux à court terme baissent. Pour le marché américain, un portefeuille d'obligations de la catégorie investissement (« investment grade » devrait générer un revenu d'environ 4,5% au cours de l'année à venir. Pour un portefeuille similaire libellé en euros, le rendement devrait être de 2,5% ou plus. Les obligations d'entreprise à haut rendement ont offert et devraient continuer à offrir des niveaux de revenus supérieurs.

Le principal facteur de performance des actions américaines a été la croissance des bénéfices et les sociétés à forte croissance ont été récompensées par une hausse des prix des actions. Actuellement, les attentes des investisseurs en matière de bénéfices restent solides. Il semble que la saison des bénéfices du quatrième trimestre 2024 offrira un autre trimestre de croissance à deux chiffres. Le cœur du programme de Trump – les réductions de l'impôt sur les sociétés et la déréglementation – est également favorable à la croissance. Toutefois, certains scénarios pourraient remettre en cause les perspectives de croissance des actions. Une guerre commerciale sur fond de droits de douane américains et une concurrence plus perturbatrice dans le domaine de la technologie sont deux menaces. Même si la croissance des bénéfices reste solide – ce qui devrait être le cas d'après la toile de fond macroéconomique – l'incertitude politique et les tensions géopolitiques pourraient nécessiter des multiples de valorisation plus faibles. Une solide source de revenus provenant des titres obligataires peut aider à protéger les portefeuilles contre de telles évolutions.


Des arguments en faveur des actions européennes

Pour les marchés d'actions du reste du monde, la politique américaine et la réaction des marchés américains seront importantes. Toutefois, certains arguments spécifiques plaident en faveur d'une diversification géographique accrue. En Europe, la combinaison d'un rendement en dividendes solide et d'une croissance des bénéfices pourrait à nouveau permettre d'atteindre des rendements à deux chiffres. L'évolution de questions telles que l'union des marchés de capitaux et la déréglementation doit être surveillée, tout comme la question de savoir si l'Europe continuera à être enthousiaste à l'égard des investissements verts face à un Washington sceptique à l'égard du changement climatique. La fin de la guerre en Ukraine pourrait également renforcer la confiance des entreprises européennes. Ailleurs, la confiance semble avoir atteint son niveau le plus bas en ce qui concerne la Chine. Les mesures politiques progressives et la nécessité pour la Chine de s'adapter à l'hostilité des Etats-Unis pourraient être récompensées par une meilleure performance des marchés boursiers après quelques années difficiles. Le fait que les marchés européens et asiatiques soient relativement bon marché par rapport aux Etats-Unis est une caractéristique des marchés mondiaux depuis un certain temps. Toutefois, les incertitudes actuelles découlent principalement des perspectives politiques américaines qui, combinées à la valorisation, plaident en faveur d'un niveau de concentration plus faible sur les marchés américains.

En ce qui concerne l’obligataire, les rendements courants se situent dans des fourchettes que nous estimons assez neutres en termes de valorisation. Cependant, aux Etats-Unis également, il existe des risques de hausse des rendements du Trésor, compte tenu des perspectives macroéconomiques, inflationnistes et budgétaires. Le rendement supplémentaire offert par les obligations d'entreprises, qu'elles soient de qualité ou à haut rendement, les rend plus attrayantes que les obligations d'Etat. Et pour les investisseurs européens, le coût de la couverture de l'exposition au dollar américain et les risques liés aux taux d'intérêt rendent les marchés domestiques plus attrayants. Les fondamentaux du crédit restent solides et nous ne nous attendons pas à un élargissement significatif des spreads du marché du crédit en euros. Pour certains investisseurs, la dépréciation des obligations d'Etat par rapport aux swaps de crédit et de taux d'intérêt – reflétant, selon nous, une certaine prime de risque budgétaire –pourrait également être intéressante, en particulier pour ceux qui ont des portefeuilles institutionnels et des limites de crédit restreintes.

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