Vers une économie moins consommatrice de carbone. Quel mode d’emploi pour les investisseurs ?
- Sans transition vers une économie à faible émission de CO₂, il n’y aura pas de croissance économique durable
- La compensation carbone, la tarification du carbone et les taxes carbone sont autant de mesures susceptibles de contribuer à la transition énergétique, mais il faut aller encore plus loin
- Un univers croissant d’actifs verts et de nouvelles technologies contribuant à cette transition s’offre aux investisseurs
L’année 2021 est l’une des plus chaudes jamais enregistrées. C’est également la septième année consécutive durant laquelle la température mondiale a dépassé de plus de 1°C les niveaux préindustriels.1
Ce chiffre se rapproche de manière inquiétante de la limite de réchauffement préconisée par l’Accord de Paris de 2015, à savoir +2°C (mais +1,5°C de préférence) par rapport aux niveaux préindustriels.2 Toutes les données indiquent que nous nous sommes rapprochés de cette limite en raison des niveaux élevés et croissants de CO2 présents dans l’atmosphère terrestre.
Le carbone en ligne de mire
Sur le plan chimique, le dioxyde de carbone est un composé constitué d’un atome de carbone et de deux atomes d’oxygène (CO₂). Dans l’atmosphère, il agit comme un gaz à effet de serre (GES). Le dioxyde de carbone et le méthane sont les principales sources du réchauffement climatique. Ensemble, ils recouvrent l’atmosphère terrestre et retiennent la chaleur. Ce phénomène se manifeste surtout par une hausse des températures moyennes à l’échelle mondiale, mais aussi par la multiplication des épisodes météorologiques extrêmes, comme les sécheresses, les inondations et des tempêtes de plus en plus violentes.
Les principales sources d’émissions de gaz à effet de serre sont, entre autres, les transports (moteurs thermiques), la production d’électricité, l’industrie, l’agriculture et les bâtiments commerciaux et résidentiels.
Lutter contre le changement climatique
L’ONU a tiré la sonnette d’alarme : « La science montre clairement que pour éviter les effets les plus graves des changements climatiques et maintenir une planète habitable, l’élévation de la température mondiale doit être limitée à 1,5°C par rapport aux niveaux préindustriels. Actuellement, la température à la surface du globe est déjà supérieure d’environ 1,1°C à la température enregistrée à la fin des années 1800, et les émissions continuent d’augmenter ».3
Nous devons intensifier nos efforts pour lutter contre le changement climatique. Les émissions doivent être réduites de 45 % d’ici à 2030 et l’objectif de zéro émission nette doit être atteint d’ici à 2050. Cela signifie qu’il faut radicalement réduire nos émissions de GES et faire en sorte que le secteur énergétique mondial abandonne les combustibles fossiles au profit d’alternatives renouvelables plus écologiques. Si nous n’agissons pas, nous risquons de mettre en péril l’économie mondiale et de compromettre notre avenir.
Heureusement, de nombreux États et de nombreuses organisations s’attèlent à relever le défi. Plus d’un tiers des 2 000 plus grandes entreprises cotées à l’échelle mondiale se sont engagées à atteindre l’objectif de zéro émission nette, contre un cinquième en 2020, et 91 % du PIB mondial est désormais couvert par les objectifs de zéro émission nette des États, soit une augmentation de 68 % sur la même période.4 Des secteurs comme l’automobile sont en pleine mutation, les constructeurs Ford et Jaguar Land Rover s’étant engagés à proposer une gamme de véhicules entièrement électrique au cours des dix prochaines années.5 tandis que les géants pétroliers BP et Shell se sont fixé leurs propres objectifs de zéro émission nette.6
Le marché du carbone
La lutte contre le changement climatique, et notamment les efforts de réduction du dioxyde de carbone dans l’atmosphère, constituent une activité majeure. La compensation carbone, l’échange de droits d’émission et les crédits carbone ont chacun leur rôle à jouer dans la réduction des émissions de GES. Voici ce qu’il faut savoir à ce sujet :
Compensation carbone : le terme « compensation » a été employé pour la première fois à la fin des années 1970 dans le cadre de la loi américaine dite « Clean Air Act », en vertu de laquelle les nouvelles émissions dans les zones fortement polluées n’étaient autorisées que si d’autres réductions étaient effectuées pour compenser ces augmentations. La compensation carbone consiste à réduire les émissions de GES dans un secteur afin de compenser les émissions produites ailleurs. Il s’agit essentiellement d’un mécanisme permettant aux entreprises (ou aux particuliers) de compenser leurs émissions de CO₂ en soutenant de réels projets de réduction d’autres émissions de CO₂.
Ces projets visent à absorber ou à réduire les émissions de CO₂, voire à extraire directement le carbone de l’atmosphère. Les mécanismes de compensation carbone se déclinent sous différentes formes :
- Certaines solutions axées sur la nature consistent à protéger les forêts existantes, à améliorer la gestion des sols et à restaurer les habitats dégradés, conduisant ainsi à la reforestation et à la mise en œuvre de pratiques agricoles soucieuses de l’environnement. Elles visent à absorber davantage de CO₂ présent dans l’atmosphère et peuvent conduire à l’échange et à la vente de crédits carbone (voir ci-dessous).
- Certains mécanismes peuvent être de nature technologique, comme les installations de captage et de stockage du dioxyde de carbone (Carbon Capture and Storage, ou CCS), ou de captage, d’utilisation et de stockage du dioxyde de carbone (Carbon Capture Utilisation and Storage, ou CCUS), qui permettent de piéger et de stocker le CO₂ issu des processus industriels et, dans le cas du CCUS, de l’utiliser. Les installations de type CCUS réparties à travers le monde peuvent actuellement piéger et stocker environ 40 millions de tonnes (Mt) de CO₂ par an. Selon l’Agence internationale de l’énergie, 830 Mt de capacité de piégeage du CO₂ seraient nécessaires chaque année d’ici à 2030 pour respecter le scénario de développement durable, et 5,6 gigatonnes d’ici à 2050.7
- Le mécanisme d’élimination du dioxyde de carbone ou DACCS (Direct Air Capture and Storage) permet d’extraire le CO₂ de l’atmosphère et de le stocker dans des réservoirs géologiques ou océaniques, ou dans des produits.
Selon nous, le recours à la compensation carbone ne doit pas encourager les entreprises à reporter les mesures nécessaires de réduction des émissions. Ce mécanisme doit être considéré comme une solution provisoire destinée à compenser à court terme les émissions difficiles à réduire tout en assurant la transition vers l’objectif de zéro émission nette. Il ne doit constituer une solution permanente que lorsqu’une composante spécifique d’un secteur ou d’un processus industriel ne se prête à aucune méthode pratique de décarbonation.
La tarification du carbone impose un coût aux différents impacts environnementaux et sociaux occasionnés par les émissions de GES. Il s’agit, entre autres, de la destruction de biens matériels due aux inondations ainsi que des dommages causés aux récoltes et des dépenses de santé que peut entraîner la sécheresse. La tarification du carbone consiste essentiellement à internaliser le coût des émissions de CO₂, créant ainsi un intérêt économique à réduire ces émissions.
Selon la Banque mondiale, 40 pays et plus de 20 villes, états et provinces recourent déjà à des mécanismes de tarification du carbone, tandis que d’autres prévoient de les instaurer. Au total, les dispositifs de tarification du carbone en vigueur couvrent environ la moitié de leurs émissions, ce qui correspond à environ 13 % des émissions mondiales annuelles de gaz à effet de serre..8
On distingue deux grands types de tarification du carbone : les taxes carbone et les systèmes d’échange de quotas d’émission (SEQE).
Systèmes d’échange de quotas d’émission
L’échange de quotas d’émission est un moyen d’inciter les entreprises à réduire leurs émissions de GES. Un système ou dispositif d’échange de quotas d’émission est un mécanisme qui permet aux nations ou aux entreprises d’émettre des gaz à effet de serre dans l’atmosphère, mais par le biais d’un marché sur lequel les quotas d’émission peuvent être échangés entre eux.
L’objectif est d’inciter les entreprises à réduire leurs émissions en fixant un plafond maximal d’émissions autorisées et en réduisant ce plafond au fil du temps. Si une entreprise reçoit des « crédits carbone » en réduisant ses émissions ou, par exemple, en produisant de l’électricité sans GES, elle peut ensuite vendre ces crédits sur le marché SEQE aux entreprises qui ont dépassé leur quota.
Ce procédé permet de fixer un prix du carbone basé sur le marché. Au fil du temps, l’offre de quotas est réduite et le prix augmente, de sorte qu’il devient de moins en moins rentable pour les entreprises d’éviter de réduire leurs émissions.
La fixation d’un plafond doit permettre de limiter les émissions globales et d’encourager les entreprises à respecter leur budget carbone préétabli. Premier grand marché du carbone à avoir vu le jour, le Système communautaire d’échange de quotas d’émission (SCEQE) de l’Union européenne reste le plus important au niveau mondial.9
Le SEQE de l’Union européenne s’applique non seulement aux États membres de l’UE, mais également aux trois autres membres de l’Espace économique européen (Norvège, Islande et Liechtenstein). Il couvre plus de 11 000 installations à forte consommation d’énergie (centrales électriques et sites industriels) ainsi que les compagnies aériennes assurant la liaison entre ces pays, ces installations et compagnies aériennes étant collectivement responsables de près de la moitié des émissions de CO₂ de l’UE et de 45 % de ses émissions totales de gaz à effet de serre.10
Selon McKinsey & Company, le marché des crédits carbone pourrait représenter plus de 50 milliards USD d’ici 2030. Parallèlement aux systèmes de stockage géologique et d’élimination du carbone, les solutions axées sur la nature joueront un rôle central. McKinsey Nature Analytics estime que les projets fondés sur la nature ont le potentiel de stocker 6,7 gigatonnes de CO₂ supplémentaires chaque année d’ici à 2030, soit environ 17 % des émissions mondiales de CO₂ en 2020.11
Taxes carbone
Fixées par les pouvoirs publics, les taxes carbone déterminent le prix que les entreprises doivent payer pour leurs émissions. Il s’agit d’un autre moyen d’inciter les entreprises à réduire leurs émissions de GES, par exemple en optant pour des sources d’énergie plus écologiques ou en adoptant des technologies plus respectueuses de l’environnement. Contrairement aux systèmes d’échange de quotas d’émission, le prix de la taxe carbone est défini dès le départ. Les taxes carbone se présentent essentiellement sous deux formes, comme l’explique le Center for Climate Energy Solutions : « Une taxe sur les émissions, qui repose sur la quantité produite par une entité, et une taxe sur les biens ou les services qui sont généralement fortement émetteurs de gaz à effet de serre, comme la taxe carbone sur l’essence. » En 2021, on dénombrait environ 35 programmes de taxe carbone à travers le monde.12
Quel intérêt le carbone présente-t-il pour les investisseurs ?
Les investisseurs doivent être conscients des risques que comporte un investissement dans une entreprise susceptible de sous-performer en raison de son empreinte environnementale. Selon nous, la réalisation d’investissements soucieux des enjeux climatiques ne remet pas en cause la primauté des objectifs financiers, mais complète et améliore notre compréhension de ces objectifs. En substance, il s’agit de mieux gérer le risque financier.
Heureusement, un nombre croissant d’analyses, de données et de techniques de construction de portefeuille permettent aujourd’hui d’aligner les portefeuilles sur la perspective d’un monde décarboné. Lors de la sélection des titres, il est essentiel d’évaluer l’impact que le changement climatique pourrait avoir sur une entreprise donnée et sur sa rentabilité future. Comment l’entreprise risque-t-elle d’être perturbée par des inondations ou d’autres phénomènes météorologiques extrêmes ? Quel en serait l’impact sur ses activités, ses chaînes d’approvisionnement et son personnel ?
Des risques réglementaires et fiscaux se présentent également. Les pouvoirs publics peuvent alourdir la fiscalité pour lutter contre l’impact des émissions. Si les entreprises sont contraintes de payer davantage pour émettre des GES, cela pèsera sur leur rentabilité et, par voie de conséquence, sur les rendements des investisseurs. Les consommateurs peuvent également peser sur le débat. Ils peuvent réduire leur demande en faveur des biens et des services d’une entreprise si celle-ci est considérée comme menacée par le changement climatique ou si elle contribue à la hausse des émissions.
Nouvelles opportunités
Mais tout n’est pas qu’une question de risques et d’exclusions. Il est possible d’investir directement dans des actifs verts : obligations vertes, immobilier vert, sylviculture, etc. De même, les nouvelles technologies qui contribuent à la transition vers une économie plus propre peuvent offrir de multiples opportunités aux investisseurs. Ces technologies, qui sont liées directement ou indirectement à la transition énergétique, évoluent rapidement. Des avancées assez notables ont déjà été réalisées dans les domaines du solaire, de l’éolien et d’autres sources d’énergie renouvelables, mais elles doivent encore s’intensifier considérablement pour contribuer pleinement à la lutte contre le changement climatique.
Fondamentalement, il s’agit pour les investisseurs de comprendre et de s’adapter aux risques que le changement climatique fait peser sur les modèles économiques et les populations. Les entreprises dont l’empreinte environnementale est médiocre et dont la stratégie de réduction des émissions de CO₂ est mal pensée risquent de sous-performer, tandis qu’à l’extrême, il est possible que des actifs inexploitables soient délaissés par les investisseurs en raison du rythme d’évolution des politiques ou des habitudes de consommation.
Il est communément admis que le changement climatique représente une menace considérable pour la planète. Nous savons qu’il aura des conséquences désastreuses sur l’environnement. Il provoquera une élévation du niveau des eaux, des phénomènes météorologiques extrêmes, des perturbations dans la société, des pertes d’activité économique, etc.
De toute évidence, sans transition vers une économie à faible émission de CO₂, il n’y aura pas de croissance économique durable, et donc pas de performance durable des investissements.
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