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Investment Institute
Obligations

Le retour de l’inflation est une histoire américaine


Points clés

  • Les anticipations d’inflation continuent de remonter dans le secteur non-financier américain. Le risque de « changement de régime » d’inflation post-Covid reste toutefois limité en dehors des Etats-Unis
  • Les actions ont traditionnellement eu des rendements ajustés de l’inflation plus élevés
  • Le crédit high yield devrait mieux résister à l’inflation que les autres classes obligataires

L’exception américaine

Les rendements américains à 10 ans se sont repliés ces dernières semaines sous la barre des 1,70 %, après la hausse significative des rendements à long terme déclenchée par la victoire de Joe Biden. Tant les taux réels que les anticipations d'inflation dérivées d’indicateurs de marché ont cessé de grimper. La stabilisation des taux réels semble indiquer que le message conciliant de la Réserve Fédérale (Fed) – malgré son refus de modifier son cadre quantitatif pour limiter la hausse des rendements nominaux – a finalement convaincu les investisseurs que la banque centrale ne sera peut-être pas obligée d'accélérer fortement la normalisation de ses taux directeurs après avoir toléré une inflation supérieure à l'objectif. La stabilisation des anticipations d'inflation est peut-être plus surprenante.

En effet, les indications selon lesquelles les États-Unis vont bientôt passer par une « phase de surchauffe » se sont accumulées ces derniers temps. Les dernières données macroéconomiques publiées confirment que l'économie américaine s'améliore rapidement. Le rapport sur l'emploi en mars était très encourageant, avec 916 000 emplois supplémentaires, en accélération marquée par rapport aux 468 000 emplois révisés à la hausse en février. Certes, l'écart par rapport au niveau d'avant la pandémie reste assez important (5,5%), mais les deux tiers des pertes d'emplois ont maintenant été récupérés depuis le creux de mars 2020. Les capacités inutilisées sont encore nombreuses aux États-Unis, mais il est probable que la dernière estimation de l'écart de production faite par le Bureau du budget du Congrès américain (CBO) était trop pessimiste. Sur la base de la relation historique, le retour du taux de chômage à 6,0% est compatible avec un écart de production de -1,5% au premier trimestre 2021, contre une prévision du CBO de -2,3%. A partir de ce point de départ plus haut que prévu, l'impulsion budgétaire supplémentaire fera facilement passer l'écart de production en territoire positif, ce qui est généralement – mais pas toujours – compatible avec un rebond de l'inflation.

Les entreprises et les consommateurs révisent à la hausse leurs anticipations d'inflation. La composante prix de l'indice ISM des services a encore augmenté pour atteindre deux écarts-types au-dessus de sa moyenne de long terme en mars. Cet indicateur a un pouvoir prédictif décent sur l'inflation sous-jacente à horizon de six mois. En ce qui concerne les attentes des ménages en matière d'inflation, les personnes interrogées dans le cadre de la dernière enquête du Michigan ont évalué l'inflation à 2,7% pour les cinq prochaines années, marginalement en-dessous du niveau de 2,8% atteint en mars, qui était le plus élevé depuis près de six ans. Cette enquête est un bon indicateur de l'inflation réelle, avec un décalage de six mois également. Un modèle très simple de « courbe de Phillips augmentée », utilisant le taux de chômage et l'enquête sur l'inflation du Michigan, ferait remonter l'inflation de base à 2% aux États-Unis en septembre, contre 1,3% actuellement. Mais ce n'est en aucun cas le signal d'une « spirale inflationniste ». Ces modèles n'ont pas de pouvoir prédictif au-delà de six mois, et on ne sait pas quelles forces pourraient déclencher une nouvelle accélération significative des prix à la consommation après la fin de l'année. Le stimulus budgétaire actuel sera probablement épuisé d'ici là même si son retour à la normale dépendra aussi de la réduction de l'excès d'épargne dans le secteur privé. Entre-temps, le programme d'investissement du président Biden – qui doit encore être approuvé par le Congrès – risque d'être beaucoup moins favorable à l'économie. Cela peut expliquer la pause dans la remontée des anticipations d'inflation du marché, qui s'étaient redressées plus tôt que pour les entreprises et les ménages.

Néanmoins, il est possible d'établir que l'inflation post-Covid est solide aux États-Unis, contrairement à sa faiblesse depuis la grande crise financière. Biden pourrait être à l'origine d'un changement politique plus important que prévu. Au-delà de son activisme budgétaire, il est également un soutien du mouvement syndical, et une re-régulation du marché du travail américain pourrait ouvrir la voie à une croissance plus dynamique des salaires.

Les États-Unis sont cependant seuls dans cette situation. L'Europe ne dispose pas de l'impulsion budgétaire massive qui propulserait la demande intérieure bien au-delà du rebond mécanique de l'après-Covid, tandis que la détérioration sous-jacente de la situation financière de nombre de ses entreprises fait qu’il est difficile de compter sur une forte dynamique salariale dans les années à venir. La Banque Centrale Européenne (BCE) hésite encore à soutenir explicitement le « ciblage de l'inflation moyenne » et à tolérer un dépassement de l'inflation. Les responsables chinois veulent éviter de stimuler excessivement l'économie nationale et la croissance du crédit est maîtrisée. Ailleurs, sur les principaux marchés émergents, les banques centrales sont désormais contraintes de se tourner vers un resserrement monétaire (Brésil, Russie, Turquie).

Bien sûr, un retour de l'inflation aux États-Unis aurait des répercussions au-delà de ses frontières, étant donné la prédominance du dollar américain, du marché obligataire US et, donc, du potentiel d'un resserrement excessif des conditions de marché ailleurs, mais nous continuons de penser que cela n'annoncerait pas un changement général vers un nouveau régime d'inflation mondial. Étant donné que la « démondialisation » ne s'est pas concrétisée jusqu'à présent, même si les États-Unis sont « seuls au sommet »" de la surchauffe, les consommateurs et les producteurs américains auront la possibilité de s'approvisionner en produits dans des pays moins avancés dans le cycle, ce qui limitera en fin de compte la pression inflationniste. La trajectoire du dollar jouera un rôle clé dans l'équilibre de ces pressions inflationnistes entre les régions, tout comme elle donnera le ton de l'inflation pour de nombreux marchés émergents.

Investir en prévision d’une hausse de l’inflation

Si l’inflation aux Etats-Unis vient à légèrement augmenter – coïncidant avec une forte croissance économique – les rendements réels (corrigés de l’inflation) des actions devront être plus élevées que ceux des marchés à revenu fixe. Bien sûr, cela pourrait changer si la Fed est amenée à resserrer sa politique monétaire ce qui, de fait, réduirait les perspectives de croissance. Mais en l’état actuel, le message d’une Fed accommodante devrait continuer d’être bien reçu par les investisseurs actions. Enfin, les rendements obligataires ont augmenté, mais ils restent bien en deçà de zéro en terme réel. En conséquence, cela suggère des rendements réels faibles, voire négatifs pour les bons du Trésor américain à mesure que l’inflation progressera.

Sur les trente dernières années, les rendements réels des bons du Trésor américain et des obligations d’entreprises étaient stimulés par la sous-estimation persistante de l’inflation par rapport aux attentes. Cependant, pendant la dernière décennie, les rendements réels des obligations d’états ont chuté, reflétant l’environnement de taux ultra bas depuis la crise financière mondiale. Si l’inflation sous-jacente s’établit au-dessus de 2,0% – conformément à l’objectif de la Fed – et que le soutien de la politique monétaire commence à être restreint, le rendement actuel de 1,60% des bons du Trésor américain à 10 ans n‘est pas de bon augure pour les rendements réels. Avec les taux qui s’ajustent à la hausse, les rendements seront impactés à terme. Il semble peu probable que les rendements réels des investisseurs en bons du Trésor atteignent les 3,0% correspondant à la moyenne sur les trente dernières années, voire les 1,5% de la dernière décennie.

Les rendements réels du crédit de catégorie Investment grade (IG) et high yield (HY) ont été supérieurs à ceux des bons du Trésor récemment. Des taux plus élevés et des rendements de capital solides associé à l’assouplissement quantitatif ont soutenus des rendements réels plus élevés. Dans le marché HY, un rendement indiciel de 4,0% assure une base plus solide pour les rendements réels par rapport aux actifs à revenus fixe de meilleure qualité. La courte duration du HY sera aussi bénéfique si les anticipations de taux augmentent encore quand les chiffres d’inflation publiés seront plus élevés. En tout cas, en terme relatifs, les rendements des obligations HY devraient être moins affectés que les actifs à rendement fixe plus sensibles aux taux d’intérêt.

La dernière expansion des Etats Unis était historique et elle n’a pris fin qu’à cause de la pandémie. Alors que cette année est placée sous le signe de la réouverture et de la reprise, l’expansion devrait persister aux Etats Unis étant donné l’appétit inexistant pour un resserrement prématuré de la politique budgétaire ou monétaire. À condition que l'inflation ne s'emballe pas, les rendements actions devraient continuer à dominer. Sur les trente dernières années, les rendements réels des actions américaines (rendements nominaux déflatés de l’inflation CPI sous-jacente) ont été 2,5 fois plus élevés que les rendements réels des bons du Trésor et environ deux fois plus élevés que les rendements du crédit. Au cours de la dernière décennie, les différences ont été encore plus marquées. Alors que les rendements des dividendes sont modestes (autour des 1,5% pour le S&P500) la croissance des revenus devrait aider à maintenir les rendements réels attrayants, même si les actions paraissent chers comptes tenus des niveaux d’évaluations actuels. Il est encore trop tôt pour l’écrire, mais la saison des résultats pour le premier trimestre a démarré très fort, menée par des résultats meilleurs que ceux attendus pour les grosses banques de Wall Street. Les prévisions agrégées des bénéfices pour l’année prochaine restent fixées à une croissance de 20%.

Il est important que les investisseurs suivent de près le débat et les données sur l’inflation. Le scénario pessimiste pour les Etats-Unis serait que la Fed soit forcée de resserrer sa politique monétaire de manière anticipée en raison d’une hausse inattendue de l’inflation d’ici 2022. Un resserrement des conditions financières devrait ralentir la croissance et la détérioration de la relation croissance/inflation devrait affaiblir les marchés actions. Même dans ce cas, à long terme, les actions devraient être la meilleure protection contre l’inflation à moins que nous fassions l’expérience d’une stagflation dans le style de celle des années 1970 – ce qui constitue un risque faible. Une répétition des craintes de déflation qui ont fait surface au début du siècle serait tout aussi dommageable pour les actions. Là encore, ce n’est pas sous notre radar, mais ce serait le seul scénario dans lequel les obligations pourraient durablement surperformer les actions.

Les taux obligataires ont augmenté cette année, mais les anticipations d’inflation aussi, ce qui, si elles se concrétisent, limitera le profil des rendements réels des titres à revenu fixe. Pour le scénario que nous prévoyons cette année, nous pensons qu’elles continueront de la sorte. Cela devrait être le cas en Europe, étant donné que l’inflation devrait constituer un obstacle moins important pour les rendements réels. Les taux obligataires ont augmenté cette année, mais les anticipations d’inflation aussi, ce qui, si elles se concrétisent, limitera le profil des rendements réels des titres à revenu fixe. Au fil du temps, il semble probable que les rendements obligataires continuent à augmenter et qu'ils offriront finalement de meilleurs rendements réels potentiels. Cependant, l'évolution du cycle économique d'ici là, même avec les risques d'inflation évoqués ci-dessus, devrait signifier que les actions sont plus susceptibles d'être le meilleur « actif d'inflation ».

 

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