COP 28. Que faut-il en attendre ?
La COP28 s’inscrit dans le sillage de la publication par les Nations unies du premier bilan mondial des progrès accomplis vers les objectifs de l’Accord de Paris. Cet exercice se fonde sur le sixième rapport d'évaluation du GIEC, qui indique notamment que les efforts collectifs visant à maintenir le réchauffement climatique à un niveau inférieur à 2°C restent très insuffisants, augmentant par là-même les risques de déclenchement de points de basculement. Le rapport du GIEC souligne également que les flux d'investissement destinés à réduire les émissions et améliorer la résilience au changement climatique devraient être trois à six fois plus importants qu'aujourd'hui.
Principaux enseignements du bilan mondial
Si ce premier bilan mondial met en exergue la nécessité d’une véritable collaboration internationale ainsi que les besoins de financement des pays en développement, indispensables à une transition juste, il insiste également sur les transformations que requiert l’ensemble des secteurs d’activité, tant du côté de l'offre que de la demande. Ce point est essentiel car l’accent est trop souvent mis exclusivement sur l'industrie pétrolière et gazière, sous-estimant la contribution nécessaire des autres secteurs.
Le bilan mondial n'est pas non plus prescriptif quant à l'obligation de réduire la production de pétrole et de gaz d'ici à 2030, à la différence du charbon. Bien sûr, il n'exclut pas les efforts de réduction ou, à minima, de stabilisation de la production, mais oblige donc implicitement à prendre une certaine distance par rapport aux implications du scénario 1,5°C.
Enfin, la séquestration du carbone est présentée comme une option valable à court terme ou s’agissant des secteurs pour lesquels la décarbonation s’avère complexe, mais certainement pas comme une option globale et pérenne.
Une COP controversée
La présidence du sultan Ahmed Al-Jaber, ministre de l'industrie des Émirats arabes unis et directeur général de la Abu Dhabi National Oil Company (ADNOC), a soulevé d’importantes critiques dans un contexte de piètres performances du pays en matière de sobriété énergétique et de par sa volonté de continuer à exploiter ses réserves de pétrole et de gaz jusqu’en 2030. La décision d’inviter le président syrien Bachar el-Assad, malgré les accusations de crimes de guerre et de violations des droits de l'homme qui le ciblent, est venue renforcer ces controverses.
Mais d’autres éléments nous poussent également à modérer nos attentes. Tout d’abord, les priorités de la présidence émiratie ne sont ni disruptives, ni transformationnelles. Elles se résument à mettre l’accent sur l’augmentation des solutions d'atténuation et d'adaptation, sur l’augmentation des objectifs en matière de capacités renouvelables, sur la promotion d’un accès plus équitable au financement et sur l'appel à l'opérationnalisation du fonds pour les pertes et dommages acté lors de la COP27. Les Émiratis défendent une transition énergétique holistique qui inclut toujours les hydrocarbures, insistant sur les questions de sécurité énergétique. Si les pays du Golfe ont bien sûr tout intérêt à exploiter au maximum leurs réserves de pétrole et de gaz avant que la demande et les prix ne commencent à diminuer, il n’en reste pas moins qu’il existe pourtant des différences majeures et évidentes entre augmenter l'offre d'ici à 2030 et tenter de la stabiliser ou même la réduire.
Nous émettons également des réserves quant à l'importance accordée à l'hydrogène et à la séquestration du carbone, ces technologies n’étant pas des solutions miracles. Outre la nécessité de décarboner la production d’hydrogène, le coût de ces technologies reste à ce stade encore non compétitif, notamment au regard des besoins d’infrastructures en matière de transport et de stockage. Dans ce contexte, l’hydrogène ne devrait être une solution de décarbonation optimale que dans certains cas bien spécifiques comme le transport maritime longue distance ou l’acier. Quant à la séquestration du carbone, elle ne devrait se limiter qu’aux secteurs n’ayant pas d’autres alternatives, comme le ciment. Dans la majorité des secteurs industriels, la priorité est à la réduction des émissions. Le secteur du pétrole et du gaz, en particulier, ne peut pas uniquement compter sur la capture du carbone, mais doit changer en profondeur son modèle opérationnel.
Pourtant, les compagnies pétrolières nationales telles qu’ADNOC, qui représentent collectivement plus de 40 % de la production mondiale de pétrole, ont les capacités technologiques et financières d'augmenter leurs investissements en renouvelables et en infrastructures. La présidence émiratie aurait la possibilité de montrer l'exemple dans ce domaine, afin d’accélérer la transition.
La nécessité d’une approche pragmatique
Face à ce constat, mais également en raison de l'absence de consensus international sur les actions prioritaires à mener, nous estimons qu’il est nécessaire d’aborder cette COP28 de manière pragmatique et de modérer nos attentes. Nous ne pouvons que prendre en compte la multipolarité accrue du monde qui, exacerbée par l’insuffisance des transferts financiers vers les pays en développement, freine coordination et collaboration internationale.
S’il est dans ce contexte peu probable d’assister à un basculement vers une réduction progressive de la production de combustibles fossiles, la COP28 pourrait néanmoins marquer des progrès décisifs vers l'éolien et le solaire, et plus largement dans les infrastructures de transport/stockage.
Ce n'est que par ce biais que les pays en développement ne seront plus contraints de choisir entre la monétisation de leurs ressources fossiles et la lutte contre le changement climatique. Les pays africains, par exemple, disposent d'un grand potentiel en matière d’éolien ou d'énergie solaire. Mais la demande locale est à cette heure insuffisante pour justifier des projets à grande échelle, viables économiquement. Le développement d’infrastructures sous-jacentes est à ce titre indispensable, notamment à des fins d’exportation.
En tant qu'investisseurs, nous ne pouvons pas nous substituer à l'action des gouvernements. Nous pouvons cependant continuer à faire pression pour que ceux-ci agissent davantage, tout en nous engageant aux côtés du secteur privé afin de réduire les émissions et contribuer à modifier l'ensemble de l'écosystème et des schémas de demande.
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