L’hydrogène vert au cœur de la transition énergétique ?
L’envolée des prix du gaz et l’attention renouvelée portée à la sécurité énergétique ayant fait suite à l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont mis en évidence l’intérêt croissant que suscite l’hydrogène en tant que source d’énergie. En outre, l’hydrogène vert – produit à partir d’énergies renouvelables – pourrait jouer un rôle clé dans la réalisation des objectifs de zéro émission nette, tout en offrant de nouvelles opportunités aux investisseurs.
Qu’est-ce que l’hydrogène vert ?
Lorsqu’il est utilisé comme combustible, le dihydrogène (hydrogène à l’état gazeux) ne produit pas d’émissions de CO2 nocives. Il peut également être stocké et transporté beaucoup plus facilement que d’autres formes d’énergie renouvelable comme le solaire ou l’éolien.
Il sert déjà de matière première pour la fabrication d’engrais et pour éliminer le soufre lors du raffinage des carburants, mais ses applications potentielles sont plus étendues, notamment dans les secteurs difficiles à décarboner comme le transport maritime et l’aviation. BloombergNEF estime que l’hydrogène pourrait satisfaire jusqu’à 24 % des besoins énergétiques mondiaux d’ici à 20501
, tandis que le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) souligne le rôle important que l’hydrogène est susceptible de jouer dans la réduction des émissions2
.
Toutefois, du point de vue de la durabilité, les choses ne sont pas si simples. La production d’hydrogène à partir de matières premières nécessite une autre source d’énergie. Or, historiquement, la source la plus économique et la plus couramment utilisée est le gaz naturel, un combustible fossile. Par conséquent, bien que l’utilisation de l’hydrogène soit respectueuse de l’environnement, sa production peut lui être nuisible. Mais il existe un autre moyen de produire de l’hydrogène : par électrolyse (séparation des molécules d’eau) à partir d’électricité renouvelable, donc sans émission de CO2. C’est ce qu’on appelle l’hydrogène « vert », une énergie propre qui peut être utilisée pour les véhicules, le chauffage domestique, l’industrie lourde et l’aviation.
La palette de couleurs de l’hydrogène Le mode de production de l’hydrogène et son degré de respect de l’environnement ont fait naître toute une gamme d’expressions pour le désigner, du vert (qui ne produit pas d’émissions nocives) au bleu en passant par le noir, et même le rose et le jaune3 . Souvent appelé hydrogène bas carbone, l’hydrogène bleu est produit à partir d’un combustible fossile (le gaz naturel), mais des méthodes de stockage géologique du dioxyde de carbone sont utilisées pour contenir le sous-produit nocif. Des études ont toutefois montré que les émissions liées à la production d’hydrogène bleu restaient élevées4 . À l’heure actuelle, l’hydrogène gris est le plus répandu. Il est lui aussi produit à partir de gaz naturel, mais sans stockage géologique du dioxyde de carbone, ce qui signifie qu’il génère des émissions nocives. |
Malheureusement, le recours à l’électricité renouvelable pour produire de l’hydrogène vert est beaucoup plus coûteux : entre 3 et 8 USD le kg contre 0,5 à 1,7 USD le kg pour les combustibles fossiles, selon l’AIE en 20215 . Bien que cette étude repose sur des chiffres antérieurs à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, laquelle a fait flamber le coût du gaz naturel, ce procédé n’est toujours pas rentable aujourd’hui pour de nombreux secteurs. L’AIE estime toutefois que le coût de production de l’hydrogène vert pourrait être ramené à un tiers de son niveau actuel grâce à la poursuite des investissements, à l’innovation technologique et à un déploiement accru, ce qui permettrait de réaliser des économies d’échelle et de rendre l’hydrogène vert compétitif par rapport à l’hydrogène gris, compte tenu notamment de la récente envolée des prix du gaz naturel.
BloombergNEF prévoit que l’hydrogène vert sera moins coûteux que l’hydrogène bleu d’ici à 20306 , tandis que l’Agence internationale pour les énergies renouvelables estime que les deux pourraient être compétitifs d’ici à 20307 .
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Politiques publiques et entreprises en première ligne
Les pouvoirs publics du monde entier déploient déjà des stratégies en matière d’hydrogène propre. La Commission européenne et le ministère américain de l’Énergie ont tous deux publié des plans Hydrogène en 2020, l’objectif étant de rapprocher la recherche et l’innovation de la production et des infrastructures. L’an passé, les États-Unis ont également annoncé le lancement d’une initiative baptisée Hydrogen Energy Earthshot qui vise à réduire le coût de l’hydrogène propre de 80 % en dix ans8 . De son côté, le projet de loi sur les infrastructures du président Joe Biden prévoit un financement de 9,5 milliards USD pour la filière hydrogène9 .
Le Japon a été le premier pays à publier en 2017 une stratégie en matière d’hydrogène10 , tandis que la Chine, le plus gros émetteur mondial de gaz à effet de serre, a annoncé cette année un nouvel objectif concernant l’hydrogène vert11 . Parallèlement, la Banque mondiale collabore avec les pays en développement pour accélérer le déploiement des projets d’hydrogène vert12 .
Le soutien de l’État à l’innovation et aux technologies pourrait donner un coup de pouce aux entreprises soucieuses de lever des capitaux pour financer leurs propres projets, offrant ainsi de nouvelles opportunités aux investisseurs. L’Allemagne s’est par exemple engagée à investir 8 milliards EUR dans des projets liés à l’hydrogène, et compte sur un investissement privé parallèle de 33 milliards EUR13 .
Un certain nombre d’entreprises montrent la voie en contribuant à développer l’utilisation de l’hydrogène vert. Par exemple, la société intégrée de distribution d’électricité Iberdrola a entrepris la construction de l’une des plus grandes usines de production d’hydrogène vert à usage industriel en Europe pour répondre aux besoins d’électrification et de décarbonation associés à l’objectif de zéro émission nette.
Ceres Power, qui produit des générateurs à piles à combustible, a récemment annoncé la signature d’un accord avec Shell portant sur la livraison d’un électrolyseur à oxyde afin de fournir de l’hydrogène vert à faible coût pour un usage industriel.
Le chemin est encore long
Toutefois, le développement et la construction des sites de production d’hydrogène présentent des difficultés en termes d’infrastructures, de stockage et de délais de construction. Il n’existe pas à l’heure actuelle de politique et de réglementation spécifiques et cohérentes en matière d’hydrogène dans de nombreuses régions, ce qui signifie que la production, le transport, le stockage et la distribution de l’hydrogène peuvent être soumis à des règles différentes, voire à une réglementation incertaine. Pour les entreprises, cela peut se traduire par une lente procédure de validation, pouvant aller jusqu’à un an, lors de la construction de sites de production d’hydrogène. Les sites de production seront déterminants pour le développement commercial de l’hydrogène vert dans la mesure où des infrastructures de distribution et de stockage sont nécessaires. Le stockage est un élément clé pour l’utilisation de l’hydrogène vert et son transport vers d’autres régions car il permet de constituer des stocks pour répondre aux futurs pics de demande.
L’intensification des investissements dans l’hydrogène constitue potentiellement une bonne nouvelle pour les investisseurs, tant en ce qui concerne les actions des entreprises de la filière des énergies propres que les obligations d’État des pays susceptibles d’en bénéficier.
Le Rapport mondial sur l’hydrogène (Global Hydrogen Review) de l’AIE comprend une série de recommandations, par exemple pour que les pouvoirs publics contribuent à faire baisser le coût de production de l’hydrogène vert via la tarification du carbone, les mandats, les quotas, etc.
Le développement de l’électricité renouvelable est un moteur clé pour l’hydrogène vert, mais il pourrait également constituer un goulot d’étranglement dans la mesure où de nombreux secteurs sont en concurrence pour l’accès à l’énergie propre. Il sera crucial pour le développement de l’économie de l’hydrogène de veiller à ce que les parcs solaires et éoliens soient déployés à grande échelle et à un rythme encore plus soutenu que celui, déjà rapide, que l’on observe depuis quelques années.
La mise en place de systèmes fiables et peu coûteux de stockage et de distribution de l’hydrogène, notamment en rapprochant les dépôts d’hydrogène des utilisateurs finaux, sera également nécessaire si l’on veut que l’hydrogène soit un combustible facilement disponible pour un plus grand nombre d’utilisations. Outre l’adoption de nouvelles normes et réglementations, les procédés de fabrication devront également évoluer pour être en mesure d’utiliser l’hydrogène comme source d’énergie, et il faudra recourir à une main-d’œuvre dotée de nouvelles compétences.
Nouvelles opportunités d’investissement
Cela pourrait donner naissance à de nouveaux créneaux potentiellement prometteurs pour les investisseurs. Outre les entreprises directement impliquées dans la distribution d’énergie aux ménages et aux entreprises, des opportunités peuvent exister à tous les niveaux de la chaîne d’approvisionnement, qu’il s’agisse des entreprises produisant l’énergie renouvelable nécessaire à la production d’hydrogène vert, de celles qui fournissent les composants nécessaires au processus, des infrastructures de distribution (conduites et installations de stockage compris) ou encore des secteurs susceptibles d’utiliser l’hydrogène comme combustible.
Selon nous, une économie moins carbonée se traduirait par une plus forte croissance économique, et le potentiel que recèle la technologie de l’hydrogène est encore loin d’être pleinement exploité14 .
Il ne faut certes pas sous-estimer les défis que représentent le « verdissement » de la production d’hydrogène gris existante, la croissance des volumes à grande échelle, les questions de rentabilité et les problèmes de stockage et de transport.
Mais nous pensons que les efforts et les investissements nécessaires en valent la peine dans la mesure où l’utilisation de l’hydrogène vert dans des secteurs comme le ciment, l’acier et le transport maritime longue distance contribuerait à réduire massivement les émissions mondiales de gaz à effet de serre. Cette technologie est également susceptible de soutenir l’industrialisation des pays en développement d’une manière plus durable.
Mais pour cela, il est nécessaire de convertir les projets pilotes en solutions industrialisées à grande échelle. Cela exige un financement important, un solide soutien politique et une mise en œuvre adéquate. Selon BloombergNEF, 150 milliards USD de subventions cumulées seront nécessaires d’ici à 2030 pour développer l’hydrogène en tant que source d’énergie, tandis que le Conseil de l’hydrogène évalue à 700 milliards USD le montant total des investissements nécessaires tout au long de la chaîne de valeur15 .
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Cela implique également le développement d’infrastructures, ainsi qu’une refonte des modèles industriels et de l’organisation locale. Sans oublier, bien entendu, un volume colossal d’électricité renouvelable. Tous ces facteurs sont autant d’opportunités potentielles pour les investisseurs, dans des secteurs très divers. Bien que l’hydrogène vert ne soit qu’un des éléments de réponse au défi de la transition vers une société bas carbone, nous pensons que son rôle peut être crucial.
Et bien que les solutions et technologies liées à l’hydrogène vert soient en grande partie développées par des entreprises privées à l’heure actuelle, un nombre croissant de sociétés cotées développent des projets et des technologies nécessaires à l’accélération de l’hydrogène vert au sein de leurs secteurs d’activité. Selon nous, l’univers des actions cotées offre aux investisseurs dotés d’une vision à long terme un potentiel considérable en ce qui concerne l’hydrogène vert.
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