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Macroéconomie

Edito Juillet - Des signes précurseurs d’une récession s’accumulent, mais est-ce déjà pleinement intégré par les marchés ?


Points clé

  • Le ralentissement de l’activité économique se confirme des deux côtés de l’Atlantique
  • Pour autant les banques centrales ne changeront pas de cap rapidement
  • Les valorisations des actions et des obligations se sont améliorées
  • La stabilité des taux et des rendements obligataires est un signal positif pour de meilleures performances à venir
  • La croissance et la qualité sont des facteurs à suivre sur les marchés d'actions

Ralentissement brutal confirmé

L'économie a cessé de défier la gravité des deux côtés de l'océan Atlantique. Avec la contraction en juillet des enquêtes des directeurs d’achat (PMI), l'ampleur de l'impact du choc inflationniste sur l'activité apparaît enfin. La grande question est de savoir si nous avons atteint le point où l'inflation devient « auto-stabilisante », en ce sens que le ralentissement économique qu'elle déclenche peut mettre fin aux effets de second tour. Ce que nous trouvons particulièrement intéressant dans les détails qualitatifs fournis avec le dernier PMI est l'émergence de « stocks involontaires ». Si l'on ajoute à cela le fait qu’en juillet, selon la même enquête, les délais de livraison moyens des fournisseurs se sont tendus le moins depuis octobre 2020, reflétant une atténuation des perturbations des chaînes d'approvisionnement, cela pourrait être le signal que la pression sur les prix « en amont » s'atténue enfin. En effet, jusqu'à présent, les producteurs n'ont rencontré aucune difficulté à répercuter la hausse des prix de leurs intrants sur les consommateurs finaux dans un contexte de forte demande. Désormais, ceux qui se retrouvent avec des stocks imprévus pourraient enfin être contraints de réduire leur prix de vente pour les normaliser.

Aux Etats-Unis, le marché du travail devient visiblement moins vigoureux. Les nouvelles inscriptions à l’assurance chômage continuent d'augmenter et sont désormais nettement supérieures à leur niveau de 2019. La tension sur le marché du travail devrait commencer à s’atténuer, venant freiner la croissance des salaires, élément clé d'une décélération de l'inflation sous-jacente. Cependant, ces indicateurs restent à des niveaux confortablement bas par rapport aux normes historiques et la Banque Fédérale (Fed) tolérera une détérioration plus visible avant d'être convaincue qu'elle peut réduire son rythme de normalisation. Les derniers chiffres de l'inflation ont été spectaculaires à la hausse, l'effet modérateur de la détérioration des conditions cycliques sur les prix ne sera que graduel et la banque centrale ne voudra pas baisser sa garde trop rapidement.

Cette question se pose également dans la zone euro. Après avoir choisi de s'écarter de sa « forward guidance » et d'augmenter ses taux directeurs de 50 points de base en juillet, la Banque Centrale Européenne (BCE) a clairement indiqué qu'elle souhaitait poursuivre la normalisation. Le rythme rapide de la détérioration de l'économie réelle peut progressivement offrir un peu de grain à moudre aux colombes de la BCE, mais nous pensons que le prochain mouvement en septembre sera également une hausse de 50 points de base. Ceci ajoutera encore au durcissement déjà tangible des conditions financières générales. La dernière enquête de la BCE sur les prêts bancaires suggère que les établissements de crédit durcissent significativement leurs normes de prêt pour les entreprises et les ménages. Cela alimentera encore le ralentissement de l'activité économique dans les trimestres à venir.

Si la détérioration de la dynamique économique peut être observée partout, la liste des risques à la baisse est particulièrement longue dans le cas de la zone euro, ce qui contribue à expliquer la récente faiblesse du taux de change de l'euro. Certes, l'Europe a pour l'instant échappé au « pire scénario » dans lequel la Russie décide de fermer le robinet de son approvisionnement en gaz. Les livraisons ont repris à la fin d'une « période de maintenance » de dix jours. La pression ne disparaît pas totalement pour autant, car Moscou continue de mettre en garde contre d'éventuelles perturbations à venir et arguent de difficultés techniques pour maintenir les flux à bas niveau. Cette situation continuera à assombrir l'horizon et il est peu probable qu'elle inspire une grande confiance aux entreprises de la zone euro.

Nous devons également prendre en considération le retour du « risque de fragmentation ». Si nous considérons que l'Instrument de protection des transmissions (TPI) – la nouvelle arme anti-fragmentation de la BCE – est potentiellement assez puissant pour offrir une protection au reste de la périphérie en cas de contagion depuis l'Italie, nous ne pensons pas que cette nouvelle arme permette de gérer la situation italienne elle-même. Même la « conditionnalité légère » du TPI implique le respect de certains « contrats » existants avec l'UE, qui étaient au cœur des tensions au sein de la coalition de Draghi. Le message adressé aux milieux politiques italiens est que, pour l'instant, « ils sont livrés à eux-mêmes ». La manière dont les partis susceptibles de remporter les élections anticipées du 25 septembre modifieront leurs programmes économiques actuels sera déterminante pour enrayer tout nouvel élargissement des spreads. Giorgia Meloni – leader de Fratelli d'Italia, actuellement en tête des sondages dans une coalition de droite – a déjà atténué sa position eurosceptique, mais sur les questions fiscales et structurelles, le radicalisme demeure prédominant.

Les valorisations ne sont pas suffisantes, mais restent nécessaires pour de meilleures performances des marchés

Considérant la performance relative des principaux marchés obligataires et boursiers cette année, nous pourrions conclure qu'une période de croissance inférieure à la tendance, ou même de récession, est déjà anticipée et intégrée par les marchés. Cette conclusion serait certainement valable si l’on oubliait que les primes de risque étaient devenues très maigres pendant la période d'assouplissement quantitatif. Les valorisations ont été poussées à l'extrême pendant la pandémie de COVID, alors que les banques centrales ajoutaient des liquidités et ramenaient les taux d'intérêt encore plus bas, et que les autorités budgétaires augmentaient la demande globale. L'ajustement des valorisations est en grande partie le résultat de cette évolution. Les ratios cours-bénéfices excessifs sur certaines parties des marchés d'actions et les rendements négatifs sur certaines parties du marché obligataire ont été la manifestation la plus visible de la divergence entre les prix du marché et les évaluations économiques sous-jacentes. Cependant, depuis l'année dernière et l'émergence de la nécessité d'un régime monétaire différent, nous avons vu des rendements plus élevés dans toutes les classes d'actifs, les primes de risque ayant augmenté pour refléter des niveaux plus élevés d'incertitude.

Nous avons le sentiment que l’évolution des marchés suggère que ces ajustements de valorisation sont allés assez loin. En commençant par les taux d'intérêt et les obligations d'Etat, la nécessité d'un resserrement monétaire a poussé les rendements, présents et à terme, à la hausse. Alors que les taux d'inflation n'ont pas encore atteint leurs sommets, les attentes quant à l'ampleur des hausses de taux des banques centrales se sont déjà infléchies. En effet, le mois dernier, ces attentes se sont quelque peu modérées par rapport au pic atteint à la mi-juin. C'est le cas à la fois aux États-Unis, dans la zone euro et au Royaume-Uni. Les rendements sont plus faibles le long de la courbe et la performance des marchés obligataires devrait redevenir positive en juillet. La stabilisation des taux est de plus une condition nécessaire à une tendance haussière pour les autres classes d'actifs.

La raison pour laquelle les anticipations de taux ont atteint un sommet est que les investisseurs pensent que le resserrement de la banque centrale sera efficace pour faire baisser l'inflation. Cependant, la baisse de l'inflation ne devrait se faire que progressivement au cours de l'année prochaine. Ainsi, les obligations indexées sur l'inflation continueront de bénéficier de l'indexation sur l'inflation, même si les points morts d'inflation ne devraient pas beaucoup changer. Pour le reste du monde des titres à revenu fixe, les perspectives de rendement dépendent de la façon dont les entreprises gèrent leurs flux de trésorerie et leurs bilans dans une économie plus difficile. Les valorisations sont toutefois claires : aux niveaux actuels de rendement sur les marchés des obligations d'entreprises et surplus (spread) offert par rapport au rendement des dettes d’états, la probabilité de bénéficier de rendements positifs au cours des douze prochains mois est élevée.

Les marchés des obligations à haut rendement sont intéressants à cet égard. Aux niveaux actuels de rendement et de spread, l'histoire suggère des perspectives de rendement solides. Toutefois, lors de précédents marchés baissiers, les spreads ont atteint des niveaux bien plus élevés qu'aujourd'hui. Ce fut le cas lors de la première épidémie de COVID, de la crise énergétique de 2015, de la grande crise financière mondiale ou encore de l'effondrement de la bulle internet. Pourtant, ce sont les seules occasions où les spreads ont été plus larges que les niveaux d'aujourd'hui et il est difficile d'affirmer que le contexte macroéconomique actuel est aussi mauvais qu’alors, ou qu'il existe une faiblesse sectorielle spécifique qui pousserait les spreads à s'élargir plus avant. En 2016, le secteur de l'énergie représentait 15% du marché américain du haut rendement et les spreads atteignaient près de 2000 points de base. Aujourd'hui, avec le bas niveau du prix des obligations, aucune faiblesse sectorielle significative et des taux de défaut qui devraient rester à un chiffre, le marché semble attractif.  Si les attentes en matière de taux ont atteint un sommet, les rendements s'en trouveront améliorés l'année prochaine, étant donné l'effet de la force du retour au pair des prix des obligations.

Sur les marchés du crédit américain et européen, les valorisations se sont améliorées tant en termes absolus (niveau de rendement) que relatifs (niveau de spread) au cours de l'année 2022. Des vents contraires continuent de souffler, en particulier des taux à court terme plus élevés, des coûts de financement plus importants et une croissance économique plus faible. Dans la catégorie investissement comme dans celle du haut rendement, les performances potentielles des investissements dans des sociétés de bonne qualité sont convaincants. Lors de son récent pic, le rendement des obligations d'entreprises européennes notées A était au même niveau que celui atteint par les obligations européennes à haut rendement peu avant, en décembre 2021. Aujourd'hui, les investisseurs obtiennent plus de rendement pour moins de risque sur le marché du crédit. Cela est de bon augure pour les stratégies d'investissement axées sur le revenu et ce sera certainement apprécié par les fonds de pension européens et autres investisseurs adossant leurs passifs.

Plus de nuances sur les actions

Les marchés d'actions recèlent eux aussi de la valeur, mais le tableau est plus nuancé. Tout d'abord, il existe des différences considérables entre les marchés. Si l'on se base sur les prévisions du consensus pour les bénéfices par action sur douze mois, le marché des actions américain apparaît comme le plus cher par rapport à l'Europe, au Royaume-Uni, au Japon et à l'Asie. En outre, le dollar s’est renforcé. Les investisseurs à la recherche de valorisations attractives pourraient préférer une exposition aux actions en dehors des Etats-Unis, compte tenu de leur prix relativement bas et du risque d'un certain retournement de la force du dollar au cours de l'année à venir.

Toutefois, même le marché américain semble plus attrayant en termes de valorisation et l'écart de valorisation entre les Etats-Unis et le reste du monde est revenu à des niveaux antérieurs à la pandémie. Le ratio cours/bénéfices est proche de sa moyenne à moyen terme et la récente reprise des marchés obligataires a amélioré l'écart de rendement obligations actions en faveur des actions. Au sein du marché, nous avons observé un écart de performance marqué entre les valeurs dites « Growth » et « Value » au cours de l'année dernière. La hausse des rendements obligataires a pesé sur la valorisation des actions des valeurs « Growth » à plus longue duration, tandis que les entreprises « Value », davantage cycliques, ont connu une hausse rapide de leurs bénéfices lorsque l'économie mondiale est sortie de la pandémie. En effet, tous les marchés d'actions ont connu une forte croissance des bénéfices en 2021, de sorte que le niveau des bénéfices par action, dans l'ensemble, a atteint de nouveaux sommets.

Si les bénéfices vont ralentir, et il y a eu déjà des révisions à la baisse des anticipations pour 2022 et 2023 ces dernières semaines, les parties les plus cycliques du marché des actions sont en danger. Les Etats-Unis ont connu une croissance plus forte ces dernières années et ont eu tendance à être moins cycliques dans l'évolution des bénéfices, grâce à la part plus importante des valeurs technologiques sur leur marché. Des secteurs tels que l'énergie, les matériaux et l'industrie au sens large ont enregistré de bonnes performances et une forte croissance des bénéfices, mais semblent plus exposés à un ralentissement de la croissance que des secteurs tels que les technologies de l'information, les soins de santé et une partie des services aux consommateurs. Les valorisations de ces secteurs ont baissé et, traditionnellement, ils ont fait preuve d'une plus grande résilience en période de ralentissement général de la croissance des bénéfices. Les perspectives de croissance économique en Europe se détériorant rapidement, il est probable que les bénéfices des actions européennes soient plus menacés que ceux des actions américaines.

La valorisation n'est pas tout, mais les marchés se sont beaucoup ajustés au cours des derniers mois. Les perspectives plus positives concernant les taux d'intérêt sont toujours menacées par de nouvelles surprises en matière d'inflation, mais, pour l'instant, la stabilité des prévisions de taux est favorable au crédit et à certaines parties du marché des actions. Pour les actions, les perspectives de bénéfices sont essentielles et, jusqu'à présent, le deuxième trimestre a été conforme aux attentes. Il est peut-être trop tôt pour s'attendre à une performance significative des actions, mais si l'on considère que les rendements obligataires et les perspectives de bénéfices étaient les deux principaux moteurs des performances futures, l'un d'eux est devenu neutre pour le moment. Pour l'autre, cela dépend du secteur et des entreprises considérées individuellement, mais celles qui pourront annoncer des bénéfices résilients au cours des prochains trimestres seront récompensées par une meilleure performance du cours de leurs actions.

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