Stratégie d’Investissement Mensuelle - Combinaison défavorable
Points clés
- L'économie mondiale se confronte à une vague importante du variant Delta aux Etats-Unis, un pic d'inflation qui nuit au pouvoir d'achat, des goulets d'étranglement de l'offre impactant la production et un ralentissement en Chine.
- Ces vents contraires sont transitoires et gérables, la reprise est chahutée mais pas stoppée net.
- Le marché, trop optimiste, est pris à contre-pied. Les investisseurs "prennent leurs bénéfices" pour l'instant, mais une correction plus large pourrait se produire. Les valeurs refuges, notamment le CHF, le JPY et le USD, devraient en profiter.
- Les mois de septembre/octobre pourraient connaître une volatilité accrue, mais pourraient aussi limiter les pressions à la baisse du marché obligataire, stimulant ainsi l'appétit pour le risque.
Des vents contraires gérables et transitoires, mais douloureux
Le flux de données indique maintenant un rythme de reprise de l’économie mondiale nettement plus lent, sauf en Europe qui, il est vrai, a amorcé son rebond bien après la Chine et les Etats-Unis. Une normalisation de l’activité après le rattrapage permis par le déconfinement était attendue. Plusieurs facteurs défavorables s’ajoutent toutefois à cette décélération mécanique.
Tout d'abord, le variant Delta s’est accompagné d’une nouvelle phase de pression importante sur les capacités hospitalières aux Etats-Unis, le programme de vaccination ayant nettement ralenti après un fort démarrage. Alors que les autorités publiques rechignent toujours à réimposer des mesures restrictives à grande échelle, les ménages semblent déjà agir en conséquence, ajustant leur consommation dans les lieux accueillant du public. En examinant les réservations dans les restaurants, il est frappant de constater que même dans des villes comme New York, où le taux de vaccination est élevé, les dépenses liées à l'hôtellerie et à la restauration restent toujours en net recul.
Deuxièmement, le rebond des prix des denrées alimentaires et de l'énergie, combiné aux effets de deuxième tour de la pénurie mondiale de semi-conducteurs, a fait grimper les prix à la consommation de manière significative, pesant sur le pouvoir d'achat. Ce phénomène est plus prononcé aux Etats-Unis qu'en Europe, mais là aussi l'inflation s'est nettement accélérée au cours des derniers mois, davantage poussée par les prix de l'électricité.
Troisièmement, les perturbations des chaînes de production mondiales empêchent le secteur manufacturier de répondre à la demande, ce qui entraîne une "production non réalisée". Ce phénomène est particulièrement visible dans l'industrie automobile allemande, où l'écart entre le carnet de commandes et la production a atteint des sommets historiques.
Quatrièmement, la décision des autorités chinoises d'opter pour des mesures de relance beaucoup plus modestes qu'en Occident pour répondre à la pandémie s’est traduite par une faiblesse persistante de la consommation. De plus, la répression réglementaire sur l'immobilier freine l'activité dans un secteur crucial pour l'économie chinoise (il contribue directement et indirectement à environ un quart du PIB) et suscite des inquiétudes quant à la stabilité financière. En août, tous les indicateurs macroéconomiques clés de la Chine sont ressortis en dessous des attentes, à l'exception du commerce extérieur. Ce fléchissement de la demande en Chine a déjà un impact sur les principaux fournisseurs du pays puisque les exportations allemandes vers la Chine ont sévèrement faibli cet été.
Le point rassurant dans cet environnement complexe, c'est que toutes ces difficultés devraient s'avérer transitoires et/ou gérables. Les toutes dernières données suggèrent que la vague de variant Delta a atteint un plateau aux Etats-Unis. Le pouvoir d'achat est certes affecté par l’inflation, mais les ménages des pays avancés disposent d’une épargne abondante grâce à l’épargne accumulée l'année dernière. S'il faudra probablement du temps pour trouver des solutions pérennes aux ruptures d’approvisionnement, des signes timides montrent que les pressions sur les prix dans certains des secteurs les plus touchés – par exemple les voitures d'occasion aux Etats-Unis – ont commencé à s'atténuer. Enfin, le ralentissement chinois est en grande partie auto-infligé et induit par les mesures restrictives récentes. Il est donc réversible. Bien que Pékin semble avoir la ferme intention de s'attaquer aux aspects les plus spéculatifs du secteur immobilier, les risques pour la stabilité sociale – un objectif toujours crucial pour le Parti Communiste Chinois – d'une correction trop brutale sont importants. Nous anticipons donc une politique économique plus accommodante d'ici la fin de l'année.
Néanmoins, cela place le marché dans une position délicate puisque son scenario central était que la pandémie serait bientôt éradiquée et n’avait pas intégré ces « vents contraires ». Les banques centrales sont aussi, dans une certaine mesure, malmenées. La confiance de la Banque Centrale Européenne (BCE) dans l'amélioration des perspectives macroéconomiques et les discussions sur les risques de révision à la hausse de ses prévisions d'inflation n'arrivent pas au meilleur moment. Notre scénario de base est que la reprise est enrayée, mais pas stoppée, et que la trajectoire de normalisation prudente de la politique monétaire n’a pas fondamentalement changé. Toutefois, les semaines et les mois à venir pourraient être agités pour les marchés.
Le vent tourne
Au cours des dix-huit derniers mois, nous avons vu la performance des classes d’actifs risquées – crédit et actions –évoluer au rythme des annonces d’énormes programmes de soutien économique, de progrès scientifiques vers le contrôle du virus de la Covid-19 et de la normalisation in fine de l’activité économique. Ensemble, ces facteurs ont contribué à des performances bien supérieures à la moyenne. Il y a eu des vacillements, les investisseurs s’inquiétant des nouveaux variants du virus, des distorsions de l’offre, du bond de l’inflation et des craintes d’un resserrement monétaire prématuré. Pourtant, les supports sous-jacents ont continué à l’emporter, ce qui s’est traduit par des fondamentaux très sains tant pour les actions que pour les obligations d’entreprises. La première moitié de 2021 a été marquée par des bénéfices exceptionnels pour les entreprises. Les défauts de paiement ont diminué et la santé financière des entreprises est robuste. D’un point de vue fondamental, il est difficile de passer à une vision baissière du marché.
Cependant, nous savons que les marchés ne se basent pas seulement sur les fondamentaux. Tout en identifiant les moteurs positifs de la performance des marchés, nous avons également accordé une attention grandissante aux valorisations des différentes classes d’actifs et marchés. Les valorisations sont devenues plus tendues pour le marché obligataire, où le niveau absolu des taux et les écarts du risque crédit ont continué à se situer près des plus bas niveaux enregistrés depuis la grande crise financière mondiale. Sur les marchés des actions, les multiples cours/bénéfices ont continué d’être élevés, malgré les prévisions des bénéfices à terme continuellement révisées à la hausse – et peut-être à raison. Cependant, l’idée selon laquelle l’assouplissement quantitatif a contribué à renchérir le prix de tous les actifs financiers n’est pas sans fondement. La hausse du prix de l’immobilier dans plusieurs économies développées est inquiétante. Les liquidités et l’épargne accumulée pendant la pandémie ont eu un impact sur le prix des actifs et ont pesé de plus en plus sur les décisions d’allocation d’actifs des investisseurs.
A présent, les investisseurs semblent plus frileux, après avoir bénéficié de la hausse des marchés ininterrompue depuis un certain temps. Les prédictions de corrections à venir sur les marchés émanant des banques d’investissement font écho à l’opinion de certains acteurs selon laquelle « les marchés ne peuvent pas monter indéfiniment ». L’optimisme des investisseurs semble commencer à s’effriter alors que la reprise est menacée par les distorsions de l’offre, la flambée des prix de l’énergie, les problèmes sur le marché du crédit chinois et les tensions géopolitiques. D’un point de vue macroéconomique, nous pensons qu’une grande partie des problèmes qui inquiètent les investisseurs seront probablement résolus soit par un rééquilibrage naturel de l’offre ou par des mesures de politique économique. Toutefois, cela ne signifie pas que les marchés financiers vont attendre que les nouvelles s’améliorent. Une simple prise de profits pourrait facilement se transformer en une correction plus prononcée du marché qui pousserait les rendements du Trésor vers 1%, entrainerait un élargissement des primes de risque de crédit et une baisse des marchés actions. Une telle configuration de marché favoriserait les monnaies refuges traditionnelles comme le franc suisse et le yen japonais, mais le dollar pourrait aussi en profiter, surtout si les marchés émergents venaient à être pris dans la tourmente.
Il est prudent de considérer un scénario baissier à court terme. Il serait aussi judicieux de réfléchir aux opportunités que cela peut engendrer. Une hausse de la volatilité ferait probablement revenir les banques centrales dans une direction plus accommodante, voire retarder la réduction des achats (tapering) de la Réserve Fédérale (Fed) si les conditions de liquidité sur les marchés devaient se détériorer. La poursuite d’une politique budgétaire expansionniste en Europe et aux Etats-Unis et un possible ralentissement du processus de normalisation de la politique monétaire suggèrent que la reprise elle-même n’est vraisemblablement pas menacée. Une correction des marchés au cours de la période traditionnellement volatile de septembre et d’octobre pourrait entraîner une nouvelle opportunité d’achat pour les actifs risqués à l’aube d’une année qui devrait voir une inflation plus faible et des distorsions du côté de l’offre se résorber. Avant cela, préparez-vous à une volatilité plus importante que celle que nous avons connue jusqu’à présent en 2021. Le meilleur de la performance du marché des actions est probablement derrière nous et les marchés du crédit pourraient commencer à intégrer certains risques à moyen-terme. La plus grande surprise pourrait être que le rendement du Trésor à 10 ans termine l’année là où il a commencé – à 1% – marquant une nouvelle année de déception pour les annonciateurs de la fin du rebond du marché obligataire !
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notre Stratégie d’Investissement de septembre (en anglais)
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