Comment quantifier le « greenium » ?
Malgré une année à ce jour très difficile pour le marché obligataire, les émissions d’obligations vertes ont réussi à faire jeu égal avec les volumes records enregistrés en 2021. Fin juin, 207 milliards USD1 d’obligations vertes avaient été émises depuis le début de l’année, soit un peu plus que l’année 2021 à la même époque. 75 primo-émetteurs1 ont déjà rejoint le marché des obligations vertes cette année et de nombreux autres devraient suivre prochainement dans la mesure où tous les secteurs investissent progressivement dans la transition vers une économie à faible émission de CO2. Pour naviguer sur ce marché dynamique, les investisseurs doivent être conscients de l’effet « greenium » et de la manière dont son impact peut changer en fonction du secteur et de la région.
Lorsque l’Autriche a émis sa toute première obligation verte en mai, elle a levé 4 milliards EUR et généré un carnet d’ordres de 25 milliards2 . Grâce à l’ampleur de cette demande, l’obligation a pu être proposée avec un rendement légèrement inférieur (environ 2,5 pb) à celui de l’obligation autrichienne conventionnelle existante. Cette prime, baptisée « greenium », est une tendance qui se dessine peu à peu depuis un certain temps et qui reflète le déséquilibre entre l’offre et la demande. Mais il est important de bien comprendre que l’ampleur du greenium peut varier et évoluer avec le temps. En ce qui concerne l’activité sur le marché primaire, on observe notamment que lorsque le niveau d’émission diminue, comme c’est souvent le cas pendant l’été ou en période de fin d’année, le greenium augmente.
Par exemple, une nouvelle émission d’obligations vertes est attendue en Allemagne dans le courant de l’année. Lorsque l’Allemagne a émis sa première obligation verte en septembre 2020, elle l’a accompagnée d’une obligation conventionnelle de même échéance. Cela a permis d’établir la toute première comparaison directe de prix. À l’émission, le prix de l’obligation verte était supérieur d’un point de base à celui de son homologue conventionnelle. Fait intéressant, ce greenium a progressé jusqu’à 7 pb pour retomber à moins de 2 pb aujourd’hui. Selon nous, ce phénomène traduit une baisse de la demande globale de titres obligataires cette année, qui n’a pas épargné les obligations vertes, mais dans un contexte d’offre soutenue par rapport à l’an passé.
Peu de marchés offrent une comparaison aussi claire mais, en étudiant chaque segment de l’univers des obligations vertes, nous avons calculé ce que devrait être le prix théorique des obligations vertes par rapport à leurs homologues conventionnelles. Par exemple, si l’on se penche sur les émissions d’obligations vertes en euros, qui fournissent l’image la plus complète et la moins biaisée, on constate clairement qu’il existe bien un greenium, mais qu’il n’est pas structurel et qu’il n’est pas uniforme partout. On estime que celui-ci fse situe actuellement autour de 6 points de base, avec des variations autour de ce chiffre. Pour la dette souveraine, le greenium est d’environ 10 points de base ; pour les obligations d’entreprise, il avoisine les 7 points de base ; et pour la dette quasi-souveraine, il est d’environ 3 points de base.
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Il est intéressant de noter que la régularité des émissions des différents émetteurs sur le marché des obligations d’entreprise peut avoir une incidence sur le greenium : une obligation verte émise par un émetteur peu actif sur ce marché depuis un certain temps peut s’avérer relativement rare et difficile à trouver sur le marché secondaire, ce qui se traduit par un greenium plus important. Inversement, un émetteur récurrent d’obligations vertes est susceptible de voir son greenium baisser du fait d’un meilleur équilibre entre l’offre et la demande. De toute évidence, plus un émetteur émet de titres, plus le greenium est limité.
En outre, les turbulences observées sur les marchés en 2022 nous ont permis de mieux comprendre la dynamique du greenium, dynamique que nous avions déjà pressentie lors des précédentes phases d’aversion pour le risque. À mesure que les spreads de crédit s’écartent, le greenium tend à augmenter, faisant office de protection contre le creusement général. Le greenium moyen du marché des obligations d’entreprise en euros est ainsi passé de 3 pb en décembre 2021 à 6 pb aujourd’hui. Cela témoigne de l’approche à long terme des investisseurs en obligations vertes, qui conservent leurs obligations malgré la volatilité, contrairement aux investisseurs traditionnels.
Le greenium : une tendance durable
Le paiement d’une modeste prime pour une obligation verte peut être source de préoccupation pour les investisseurs, mais il est important qu’ils se souviennent que la performance corrigée du risque devrait être supérieure sur le long terme. En proposant des coûts de financement potentiellement inférieurs pour les projets écologiques, les émetteurs investissent dans la transition vers une économie bas carbone et devraient être mieux armés pour faire face aux risques et saisir les opportunités qui se présentent dans un monde en transition.
Toutefois, le greenium est pour les investisseurs un argument supplémentaire en faveur d’une approche active et dynamique. Comme sur tout marché obligataire, les investisseurs veulent éviter les émissions coûteuses et tirer une performance supplémentaire des obligations dont la valeur (ou le greenium) augmente après leur acquisition. Les obligations vertes offrent aux investisseurs un moyen de contribuer au financement de la transition énergétique et écologique, et la gestion active leur permet de le faire de la manière la plus efficace possible et avec le meilleur taux de rendement du capital investi.
Obligations vertes
L’investissement vert et social implique l’achat d’obligations qui servent à financer des projets soutenant une économie bas carbone ou les besoins fondamentaux des populations et de communautés défavorisées.
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